L’eau n’est pas à vendre : pour une gestion publique de l’eau en France

Lors du dernier congrès des maires de France, le 17 novembre 2009, Danielle Mitterrand a remis aux maires un appel pour une gestion publique de l’eau en France.

Au Congrès des maires de France, Danielle Mitterand a invité les élus à faire, ensemble, la démonstration que le retour en régie du service public de l’eau est la seule garantie d’une gestion rigoureuse et de qualité, garantissant à tous un accès à l’eau potable. Voici l’appel qu’elle a voulu transmettre aux Maires dans le cadre de sa fondation « France Libertés »

« Mesdames et Messieurs les Maires,

Je viens vers vous aujourd’hui pour profiter de votre rassemblement et vous parler de l’eau, bien commun de l’humanité.

Je suis engagée de longue date pour faire que ce droit sur l ?accès à l’eau pour tous soit enfin pris en compte.

A l’évidence, l’eau est en danger et l’humanité avec elle. C’est le fruit d’une gestion prédatrice due à un système économique qui ne pense qu’au profit et qui en oublie que l’eau est un élément vital.

Vous êtes les premiers concernés pour faire évoluer la politique de l’eau et c’est pour cela que je vous appelle. En France, la gestion de l’eau est de la responsabilité des collectivités locales depuis la Révolution française.

Je ne vous apprends rien en vous rappelant que 60 % des communes françaises représentant 80 % des usagers soit près de 51 millions de personnes ont délégué la distribution de l’eau aux trois grands groupes privés Veolia-CGE (ex-Vivendi), Suez-Lyonnaise des Eaux ou la Saur.

Pour ma part, j’ai été confondue à la lecture du rapport du 22 mai 2001 de l’Assemblée Nationale qui a montré que lorsqu’une société privée gère l’eau potable d’une commune, les usagers paient une facture en moyenne 27 % supérieure à celle d’une régie publique et jusqu’à 44 % de plus dans le cadre d’une intercommunalité. Cette réalité fait que le prix de l’eau varie de 1 à 7 en France.

Vous avez sans doute lu l’article du JDD du 8 novembre 2009 qui montre que les multinationales ne s’estiment pas responsables dans le dossier des fuites et renvoient cette responsabilité vers les élus locaux qui définissent la politique de l’eau.

Vous êtes les mieux placés pour savoir que vous êtes victime d’un système qui souvent vous empêche d’exercer cette responsabilité.

Pour autant, entre la responsabilité et le devoir du travail bien fait, il y a un monde. Le laxisme et l’opacité des grandes entreprises dans l’entretien des réseaux de distribution de l’eau est à l’image de leur manque d’ambition pour la gestion du bien commun.

Où sont les champions de l’expertise de l’eau si ce sont les régies publiques qui présentent les meilleurs résultats en termes d’absence de fuite, de prix et de qualité de l’eau ?

Vous savez très bien que les entreprises qui n’assument pas les travaux d’entretien qui leur incombent, vous laissent la responsabilité d’intervenir et de financer les ruptures du réseau qui ne manquent de se produire aux frais des usagers.

Comment un gouvernement peut il vous pénaliser en critiquant l’état de vos réseaux alors que ce même gouvernement vous engage à confier votre service de l’eau au secteur privé ?

Les mêmes entreprises qui estiment ne pas être responsables des fuites en France curieusement occupent la présidence du Conseil Mondial de l’Eau qui définit la politique de l’eau dans le monde sur le modèle français. Quel espoir peut-on en attendre pour la planète et pour nos concitoyens ?

Les temps ont changé, la crise en témoigne.

Il vous appartient de trouver les moyens d’exercer votre responsabilité au niveau local et d’appuyer les changements permettant un nouveau modèle de gouvernance mondiale de l’eau.

Je vous engage à signer l’appel des porteurs d’eau pour :
- Que soit instaurée une gouvernance publique internationale pour la gestion et l’accès à l’eau pour tous.
- Que d’ici à 2015, alors que les trois quarts des contrats de délégation de service public arrivent à échéance, les nombreuses municipalités concernées soient accompagnées pour un retour à une gestion publique, démocratique et transparente de l’eau. »